Appel à contributions

Paul Bensimon et Anoine Berman avaient en 1990 consacré un numéro de la revue Palimpsestes à la thématique du “Retraduire”, en y abordant d’emblée un certain nombre de topiques de ce qui relève désormais de la “théorie de la retraduction” ou “Retranslation Theory” (cf. Brownlie 2006). Le concept de retraduction se comprend dans sa double acception qui recouvre d’une part l’acte consistant à traduire un texte qui a déjà été traduit antérieurement dans une même langue et d’autre part le résultat de cet acte, le texte retraduit à proprement parler (Tahir Gürçağlar 2009, 233). Le phénomène est révélateur de l’enjeu traductif et se pratique partout dans le monde : depuis toujours les “classiques” littéraires, mais aussi de nombreux textes religieux, politiques ou philosophiques ont dans bien des cultures et bien des langues fait l’objet de traductions se superposant les unes aux autres. Quoique les matériaux existants soient abondants, la traductologie ne s’est penchée que récemment sur l’existence de la retraduction qui désormais intrigue les chercheurs. L’entrée “Retranslation”, absente encore dans sa première édition de 1998, a fait son apparition en 2009 dans la Routledge Encyclopedia of Translation Studies et Koskinen & Paloposki sont les auteurs d’un chapitre sur la retraduction dans le Handbook of Translation Studies (2010). Plus récemment encore, Deane-Cox (2014) a consacré une monographie au phénomène dans le champ de la traduction littéraire. La revue Target a quant à elle publié un numéro spécial intitulé “Voice in Retranslation” (2015), sous la rédaction de Alvstad et Assis Rosa.

Sous l’intitulé Retranslation in Context, deux conférences internationales tenues à l’université du Bosphore (Boğaziçi University) à Istanboul en décembre 2013 et novembre 2015 ont en outre mis la retraduction à l’ordre du jour. Le présent appel à contributions s’inscrit dans la lignée de ces rencontres internationales qui se poursuivront dans le cadre d’un troisième colloque (RiC3) sur la retraduction, mais cette fois à l’université de Gand en Belgique néerlandophone.

Paloposki et Koskinen (2010, 30-31) ont fort justement constaté que si le phénomène de la retraduction avait été abordé sous plusieurs angles, il n’avait jamais encore été circonscrit avec précision et bien des assertions concernant cette problématique reposent encore trop souvent sur des observations intuitives. La présente initiative a pour objectif de permettre aux chercheurs en traductologie d’appréhender la retraduction par le biais d’approches multidisciplinaires qui permettront par l’étude des matériaux collectés de mieux cerner la problématique du processus qui consiste à envisager la retraduction d’un texte déjà traduit. Les contributions attendues se concentreront par exemple sur les différents aspects de la retraduction dans des études de cas, mais peuvent aussi s’étendre sur des considérations d’ordre méthodologique. Les analyses de cas concrets seront ainsi confrontés aux hypothèses théoriques qui peuvent en être induites.

Il reste entre autres à explorer toute l’histoire de la retraduction et ses interactions avec l’histoire de la traduction tout court ou encore le rôle des différents agents qu’implique le processus de retraduction dans la mise en place du canon de la litérature mondiale. Un certain nombre de motivations qui entraînent la retraduction ont été répertoriées, mais certains de ces facteurs (comme le vieillissement) n’ont guère fait l’objet d’études empiriques systématiques. Nous ignorons aussi dans quelle mesure il peut être question de progrès en matière de retraduction et si des études de réception peuvent démontrer ou non si ces progrès sont perçus par le public auquel les textes sont destinés. Il existe ainsi des cas de traducteurs qui, insatisfaits d’une première mouture, reviennent sur leur travail et s’en expliquent dans des paratextes. A un niveau plus général, dans un contexte de rapports de force entre cultures, il est légitme de se demander si les systèmes de littérature prépihérique présentent une autre politique de retraduction que la politique éditoriale des cultures dominantes. Il demeure intrigant de cerner en outre en quoi les versions antérieures diffèrent des retraductions plus tardives. Et faut-il parler dans certains cas de révision plutôt que de retraduction ? Qu’en est-il enfin des questions d’attribution et de plagiat ? Autant de champs qui restent à explorer.

Sans doute le domaine où la retraduction est le plus immédiatement prise en considération est-il celui de la littérature, mais la conférence désire élargir le débat en impliquant dans son champ d’activités les discours philosophiques, politiques ou médiatiques qui sont bien souvent déterinants dans la longue durée et la mise en place des structures profondes d’une civilisation. Traductions et retraductions gardent en outre souvent la trace de manipulations ou de stratégies de censure qui révèlent une communication complexe entre cultures.

Les contributions aborderont par conséquent sans exclusive tous les thèmes qui touchent à la retraduction, et en particulier :

– L’histoire de la retraduction et le canon littéraire
– Les motifs qui incitent à la retraduction (viellissement, idéologie,….)
– Réception et retraduction
– Auto-retraduction
– La retraduction dans le système des rapports de force littéraires (centre et pépiphérie)
– L’éthique de la retraduction (attribution, plagiat, copyright)
– La retraduction de textes historiques, philosophiques, politiques
– La retraduction de textes médiatiques

Bibliographie indicative :
Alvstad, C., Assis Rosa, A. (2015). “Voice in retranslation. An overview and some trends.” Target 27 (1), 3-24.
Bensimon, P. (1990). “Présentation.” Palimpsestes 4, ix–xiii.
Berman, A. (1990). “La Retraduction comme espace de traduction.” Palimpsestes 4, 1–7.
Brownlie, S. (2006). “Narrative theory and retranslation theory.” Across Languages and Cultures 7 (2), 145-170.
Deane-Cox, S. (2014). Retranslation. Translation, Literature and Reinterpretation. London/New Delhi/New York/Sydney: Bloomsbury.
Koskinen, K., Paloposki, O. (2010). “Retranslation.” In Y. Gambier, L. van Doorslaer (eds) Handbook of Translation Studies, Volume 1. Amsterdam/Philadelphia: John Benjamins, 294–298.
Paloposki, O., Koskinen, K. (2010). “Reprocessing texts. The Fine Line between Retranslating and Revising.” Across Languages and Cultures 11 (1), 29-49.
Tahir Gürçağlar, Ş. (2009). “Retranslation.” In M. Baker, G. Saldanha (eds) Routledge Encyclopedia of Translation Studies. Second edition. London/New York: Routledge, 233-236.

 

Langues de travail : anglais, français et néerlandais

Prière d’envoyer un résumé (max. 300 mots en anglais, français ou néerlandais) de votre contribution (dont la version définitive ne devra pas excéder 20 minutes) ainsi qu’une brève notice biographique (max. 150 mots) en un seul document à retranslation@UGent.be .
Date limite : le 1er juillet 2016.
Notification aux auteurs des propositions : 1er août 2016.

Veuillez noter qu’il sera demandé € 100 de frais de participation à la conférence.

Les organisateurs de la conférence ont prévu une publication des contributions.